Les cohortes de Daesh ont porté un coup fatal au rêve arabe   Leave a comment

Par Pierre Beylau
<http://www.lepoint.fr/monde/ou-va-le-monde-pierre-beylau/
Les cohortes de Daesh ont porté un coup fatal au rêve arabe, déjà mal en
point. De Ramadi (Irak) à Palmyre (Syrie) les séides de l’État islamique ont
effacé les frontières héritées du démantèlement de l’empire ottoman. Ils ont
fait exploser deux États qui se voulaient modernes, enracinant leur
légitimité dans les pages les plus glorieuses de l’histoire arabe : l’empire
omeyyade (VIIe-VIIIe siècle) et l’empire abbasside (VIIIe-XIIIe siècle).
Damas et Bagdad ne sont plus que des réduits assiégés, défendues par des
milices. Les armées nationales sont en lambeaux.
Le mythe de la « nation arabe » a vécu. Il est touché au cœur. Les
nationalismes ont été balayés par le déferlement de l’islam politique. Place
au « califat » !
Il n’est pas certain que le « califat » de Daesh, malgré ses spectaculaires
succès actuels, dure bien longtemps. Mais, ce qui va indéniablement
subsister, c’est le morcellement de la région, la fragmentation de la
souveraineté et une instabilité permanente, sinon un chaos. Dans cette
tectonique des plaques géopolitique, les Kurdes parviennent, pour l’instant,
à tirer leur épingle du jeu au détriment du seul Irak.
Le jeu turc et iranien
Toute la zone est, en fait, devenue un gigantesque terrain de manœuvre. Deux
géants musulmans non arabes poussent leurs pions : la Turquie, qui marche
dans les pas de l’empire ottoman et l’Iran dans ceux de l’empire perse. La
fragile Arabie saoudite est, elle, arcboutée sur son statut de défenseur des
deux principaux lieux saints de l’islam (la Mecque et Médine). Mais en dépit
de son monceau de pétrodollars, elle peine à surenchérir dans cette
périlleuse partie de poker. L’Arabie hésite, zigzague, tire des bords entre
les écueils, car elle redoute autant l’Iran que Daesh.
Dans ce Machrek en pièce (le Maghreb est ailleurs), la seule grande
puissance arabe qui, in fine, subsiste est l’Égypte du général Abdel Fattah
al-Sissi. Celui-ci n’est ni un poète ni un défenseur forcené des droits de
l’homme. Il ne lésine pas sur les moyens pour neutraliser le danger
islamiste comme vient de le démontrer la condamnation à mort de l’ancien
président Mohamed Morsi
<http://www.lepoint.fr/monde/mohamed-morsi-condamne-a-mort-l-analyse-des-exp
erts-17-05-2015-1929005_24.php> . L’Occident, malgré quelques protestations
moralisatrices de pure forme sur l’horrible répression qui s’abat sur les
Frères musulmans, détourne pudiquement le regard, considérant, comme Goethe
jadis, qu’il vaut mieux, à tout prendre, une injustice qu’un désordre.
Prudence occidentale
Face à cette sanglante pétaudière, Américains et Européens avancent à pas
comptés. Les premiers, instruits par l’Irak et l’Afghanistan, redoutent
comme la peste de s’engluer dans ces inextricables conflits. Washington
n’est, en outre, pas persuadé que les intérêts vitaux de l’Amérique soient
réellement menacés par Daesh. Dans cette équation à plusieurs inconnues un
facteur crucial : Barack Obama souhaite véritablement aboutir à un accord
avec l’Iran sur le nucléaire.
Les Européens de leur côté sont tributaires des Américains et, en dehors de
la France, peu enclins à aller se mêler des affaires de plus en plus
compliquées d’un Orient qui s’apparente à un champ de mines.

Publié 7 juillet 2015 par micdec dans Actualités et politique, BLASPHEME, Daesh

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